De la ferme à la plage

De la ferme à la plage

Grand Format
Agnès Jésupret
Photographies Philippe Conti
« Si vous pensez que l’aventure est dangereuse, essayez la routine : elle est mortelle ! » Cette devise de l’écrivain Paulo Coelho, Patrice de Colmont l’a faite sienne. Proche du philosophe paysan Pierre Rabhi qu’il admire, le plus légendaire des hôtes de Saint-Tropez a choisi d’approvisionner son restaurant, le célèbre Club 55, en produits sains et savoureux cultivés biologiquement dans son domaine du vallon des Bouis. Retour sur une histoire hors du commun.

DU CLUB À LA FERME

C’est à la fin à la fin des années 40 que la famille de Colmont fait son apparition dans la baie de Pampelonne. Bernard de Colmont, ethnologue, documentariste, voyageur touche-à-tout, débarque alors sur la plage. Il est dans un bateau à bord duquel il réalise un documentaire sur le transport des oranges en Méditerranée. Originaire de l’Ariège, il est tout de suite subjugué par la beauté de la baie, il y établira ses quartiers d’été avec femme et enfants pendant les années qui suivront. La famille campe d’abord ici et là sur la plage de Pampelonne avant d’acheter un petit terrain et d’y installer une cahute. Le père déclare alors : “Quand un voyageur égaré passera, nous lui offrirons l’hospitalité comme on m’a offert l’hospitalité quand je voyageais à l’autre bout du monde.” Amis, voisins, visiteurs, ils sont nombreux à venir manger autour de la table. Rapidement, Geneviève de Colmont, la mère, finit par s’occuper de nourrir ces nombreux convives improvisés…


Arrive l’année 1955. Vadim tourne Et Dieu créa la femme à Saint-Tropez. Sur la plage de Pampelonne, il voit les grandes tablées, les gens heureux, et pense avoir affaire à un bistrot. Il demande à Geneviève si l’endroit peut devenir la cantine de l’équipe : 80 personnes chaque midi ! Elle accepte. Le Club 55 est né.

Quelques démarches administratives plus tard, le lieu devient officiellement un établissement de restauration ouvert au public. Le père, pour affirmer sa singularité, édicte quelques règles. Le contenu des assiettes doit être en lien avec la Méditerranée et la Provence, et la cuisine doit pouvoir être faite par n’importe qui puisque la base des repas sera le produit lui-même ! Autrement dit : des recettes simples mais savoureuses élaborées à partir de produits sains et bons. Lorsque Patrice de Colmont et sa sœur, très attachés comme leur père au terroir, reprennent les rênes du Club 55, cet état d’esprit reste de mise. De fil en aiguille, une idée germe : “Pour aller au bout de l’idée de notre père, nous devions cultiver nos propres produits ! Le domaine agricole le plus proche du Club 55 était alors la ferme du vallon des Bouis. Je connaissais bien cet endroit : les propriétaires étaient les parents d’un ami d’enfance.” Le domaine acheté, commence alors une nouvelle aventure. “Je n’y connaissais rien, mais j’avais la fibre du terroir. Je suis parti avec peu de connaissances, beaucoup de convictions et une certitude : moins on s’éloigne de la nature, moins on se trompe !” Nous sommes en 2002. Le vallon est à l’abandon, avec 1 ha de vignes en mauvais état et des oliviers mangés par les herbes. C’est alors qu’entre en scène la famille Drion.


LE NATUREL REVIENT AU GALOP

“Pourtant, complète Amélie, quand on refuse d’utiliser des produits chimiques, il y a beaucoup plus de surveillance, il faut bien travailler les sols, et le faire à la main ! Engrais verts, désherbage mécanique, compostage, paillage… le bio, c’est un vrai savoir-faire !” Son mari précise : “Aujourd’hui, tout le monde adopte les techniques que nous utilisons depuis près de 20 ans au domaine ! L’agriculture est vouée à devenir bio quasiment à 100%”. Leur employeur acquiesce : “Le bio, c’est le service minimum de l’agriculture, mais on peut aller beaucoup plus loin : en adoptant des manières de cultiver et de travailler la terre différentes, par exemple avec un cheval plutôt qu’avec une machine…” Au domaine des Bouis, le plus fidèle équipier d’Amélie et Nicolas Drion est donc aujourd’hui Astrakan, magnifique cheval de trait, sollicité pour le travail de labour autour des vignes, des oliviers et des potagers. “Nous n’aurions jamais imaginé travailler un jour avec un cheval.” avoue Nicolas. “Il nous permet de déraciner les plantes indésirables dans le plus grand respect des pieds de vigne. Avec lui, on ressent ce qui se passe dans le sol, les endroits plus durs, la qualité de la terre… Et contrairement aux tracteurs, il ne tasse pas les sols, ce qui permet à la vie microbienne - notamment aux vers de terre - de se développer et aux sols de rester riches.” “Ce cheval, ça n’est vraiment pas du folklore !” conclut Patrice de Colmont.

Rapidement après l’arrivée d’Amélie, le magnifique petit vallon reprend forme : les 500 oliviers donnent de beaux fruits, les 10 ha de forêt sont de nouveau entretenus grâce aux chèvres et aux ânes, et les cultures du domaine obtiennent le label Ecocert. Patrice de Colmont est fier de cette réussite : “Comme le terrain est vallonné, nous avons en plus la chance d’avoir des sols particulièrement préservés. Nous contrôlons parfaitement les écoulements d’eau : aucun ne provient de chez un voisin.” “Nous avons d’abord lancé l’activité viticole, puis le maraîchage, explique Amélie. Mais le domaine et l’activité devenaient trop importants, et j’allais avoir notre deuxième enfant. Nicolas a alors quitté le domaine dans lequel il travaillait pour me rejoindre et nous avons emménagé aux Bouis avec notre petite famille.” Descendus ensemble dans le Sud pour quelques mois, Amélie et Nicolas n’ont pas quitté leur petit vallon depuis 18 ans. Ils ont désormais trois enfants : Jules, 11 ans, Marin, 8 ans et Jeanne, 5 ans. Pour eux, les Bouis est un jardin d’Eden et un terrain de jeu formidable ! Pour la famille, la qualité de vie est inégalable : “Nous profitons de nos enfants tout en travaillant… c’est idéal pour concilier au mieux vie personnelle et vie professionnelle.”

DE LA FERME AU CLUB

“En tant que restaurateurs, nous avons une grande responsabilité, celle de nourrir les gens sainement. Et celui qui nous permet de faire ça, c’est le paysan. Chez nous, ce sont Amélie et Nicolas !” Patrice de Colmont est heureux d’avoir croisé la route du jeune couple, il y a près de 20 ans. À force de travail et d’investissement, ils ont su valoriser ce domaine comme si c’était le leur.

Aujourd’hui, tous les légumes produits à la ferme partent au Club, exception faite de la part destinée à la famille Drion. Le vin, lui est commercialisé en divers endroits. Rouge, rosé et blanc, les trois couleurs en appellation Côtes-de-Provence connaissent un joli succès qui n’a rien de surprenant : Amélie et Nicolas sont tous les deux enfants de vignerons, et l’entretien de la vigne des Bouis et de celle de Ramatuelle, venue compléter le domaine, occupe la majeure partie de leur emploi du temps.

Pour composer les incontournables de la carte du Club 55 - panier de crudités, artichaut vinaigrette, feuilleté de Ramatuelle, salade de Pampelonne, traditionnelle ratatouille - la ferme des Bouis est le premier fournisseur ! Petits pois, mesclun, salades, choux-raves, noire de Crimée, cœur de bœuf, tomates ananas, fèves, pâtissons, coriandre, basilic, menthe… la grande majorité des légumes et herbes aromatiques proviennent de la production d’Amélie et Nicolas. Pour compléter les assiettes, sont proposés également des poissons grillés et du maïs certifié bio. Une partie du vin est également destiné au Club 55, le reste est vendu au domaine et chez quelques cavistes. L’huile d’olive, pressée sur place dans le moulin des Bouis, est elle aussi disponible à la vente.

“Ce printemps, face à la situation exceptionnelle, nous avons organisé un petit marché hebdomadaire dans le domaine. C’est une expérience fantastique, les gens rencontrent ceux qui les nourrissent !” s’enthousiasme Patrice de Colmont qui réfléchit déjà à une manière de systématiser ce rendez-vous entre consommateurs et producteurs…

Depuis, la vie a repris son cours, le Club 55 a rouvert ses portes pour la saison et la formule favorite de Bernard de Colmont reste plus que jamais d’actualité : “Ici la cuisine n’est pas faite par le patron et le client n’est pas le roi parce qu’il est un ami !”

DU CLUB À LA FERME

C’est à la fin à la fin des années 40 que la famille de Colmont fait son apparition dans la baie de Pampelonne. Bernard de Colmont, ethnologue, documentariste, voyageur touche-à-tout, débarque alors sur la plage. Il est dans un bateau à bord duquel il réalise un documentaire sur le transport des oranges en Méditerranée. Originaire de l’Ariège, il est tout de suite subjugué par la beauté de la baie, il y établira ses quartiers d’été avec femme et enfants pendant les années qui suivront. La famille campe d’abord ici et là sur la plage de Pampelonne avant d’acheter un petit terrain et d’y installer une cahute. Le père déclare alors : “Quand un voyageur égaré passera, nous lui offrirons l’hospitalité comme on m’a offert l’hospitalité quand je voyageais à l’autre bout du monde.” Amis, voisins, visiteurs, ils sont nombreux à venir manger autour de la table. Rapidement, Geneviève de Colmont, la mère, finit par s’occuper de nourrir ces nombreux convives improvisés…


Arrive l’année 1955. Vadim tourne Et Dieu créa la femme à Saint-Tropez. Sur la plage de Pampelonne, il voit les grandes tablées, les gens heureux, et pense avoir affaire à un bistrot. Il demande à Geneviève si l’endroit peut devenir la cantine de l’équipe : 80 personnes chaque midi ! Elle accepte. Le Club 55 est né.

Quelques démarches administratives plus tard, le lieu devient officiellement un établissement de restauration ouvert au public. Le père, pour affirmer sa singularité, édicte quelques règles. Le contenu des assiettes doit être en lien avec la Méditerranée et la Provence, et la cuisine doit pouvoir être faite par n’importe qui puisque la base des repas sera le produit lui-même ! Autrement dit : des recettes simples mais savoureuses élaborées à partir de produits sains et bons. Lorsque Patrice de Colmont et sa sœur, très attachés comme leur père au terroir, reprennent les rênes du Club 55, cet état d’esprit reste de mise. De fil en aiguille, une idée germe : “Pour aller au bout de l’idée de notre père, nous devions cultiver nos propres produits ! Le domaine agricole le plus proche du Club 55 était alors la ferme du vallon des Bouis. Je connaissais bien cet endroit : les propriétaires étaient les parents d’un ami d’enfance.” Le domaine acheté, commence alors une nouvelle aventure. “Je n’y connaissais rien, mais j’avais la fibre du terroir. Je suis parti avec peu de connaissances, beaucoup de convictions et une certitude : moins on s’éloigne de la nature, moins on se trompe !” Nous sommes en 2002. Le vallon est à l’abandon, avec 1 ha de vignes en mauvais état et des oliviers mangés par les herbes. C’est alors qu’entre en scène la famille Drion.


LE NATUREL REVIENT AU GALOP

“Pourtant, complète Amélie, quand on refuse d’utiliser des produits chimiques, il y a beaucoup plus de surveillance, il faut bien travailler les sols, et le faire à la main ! Engrais verts, désherbage mécanique, compostage, paillage… le bio, c’est un vrai savoir-faire !” Son mari précise : “Aujourd’hui, tout le monde adopte les techniques que nous utilisons depuis près de 20 ans au domaine ! L’agriculture est vouée à devenir bio quasiment à 100%”. Leur employeur acquiesce : “Le bio, c’est le service minimum de l’agriculture, mais on peut aller beaucoup plus loin : en adoptant des manières de cultiver et de travailler la terre différentes, par exemple avec un cheval plutôt qu’avec une machine…” Au domaine des Bouis, le plus fidèle équipier d’Amélie et Nicolas Drion est donc aujourd’hui Astrakan, magnifique cheval de trait, sollicité pour le travail de labour autour des vignes, des oliviers et des potagers. “Nous n’aurions jamais imaginé travailler un jour avec un cheval.” avoue Nicolas. “Il nous permet de déraciner les plantes indésirables dans le plus grand respect des pieds de vigne. Avec lui, on ressent ce qui se passe dans le sol, les endroits plus durs, la qualité de la terre… Et contrairement aux tracteurs, il ne tasse pas les sols, ce qui permet à la vie microbienne - notamment aux vers de terre - de se développer et aux sols de rester riches.” “Ce cheval, ça n’est vraiment pas du folklore !” conclut Patrice de Colmont.

Rapidement après l’arrivée d’Amélie, le magnifique petit vallon reprend forme : les 500 oliviers donnent de beaux fruits, les 10 ha de forêt sont de nouveau entretenus grâce aux chèvres et aux ânes, et les cultures du domaine obtiennent le label Ecocert. Patrice de Colmont est fier de cette réussite : “Comme le terrain est vallonné, nous avons en plus la chance d’avoir des sols particulièrement préservés. Nous contrôlons parfaitement les écoulements d’eau : aucun ne provient de chez un voisin.” “Nous avons d’abord lancé l’activité viticole, puis le maraîchage, explique Amélie. Mais le domaine et l’activité devenaient trop importants, et j’allais avoir notre deuxième enfant. Nicolas a alors quitté le domaine dans lequel il travaillait pour me rejoindre et nous avons emménagé aux Bouis avec notre petite famille.” Descendus ensemble dans le Sud pour quelques mois, Amélie et Nicolas n’ont pas quitté leur petit vallon depuis 18 ans. Ils ont désormais trois enfants : Jules, 11 ans, Marin, 8 ans et Jeanne, 5 ans. Pour eux, les Bouis est un jardin d’Eden et un terrain de jeu formidable ! Pour la famille, la qualité de vie est inégalable : “Nous profitons de nos enfants tout en travaillant… c’est idéal pour concilier au mieux vie personnelle et vie professionnelle.”

DE LA FERME AU CLUB

“En tant que restaurateurs, nous avons une grande responsabilité, celle de nourrir les gens sainement. Et celui qui nous permet de faire ça, c’est le paysan. Chez nous, ce sont Amélie et Nicolas !” Patrice de Colmont est heureux d’avoir croisé la route du jeune couple, il y a près de 20 ans. À force de travail et d’investissement, ils ont su valoriser ce domaine comme si c’était le leur.

Aujourd’hui, tous les légumes produits à la ferme partent au Club, exception faite de la part destinée à la famille Drion. Le vin, lui est commercialisé en divers endroits. Rouge, rosé et blanc, les trois couleurs en appellation Côtes-de-Provence connaissent un joli succès qui n’a rien de surprenant : Amélie et Nicolas sont tous les deux enfants de vignerons, et l’entretien de la vigne des Bouis et de celle de Ramatuelle, venue compléter le domaine, occupe la majeure partie de leur emploi du temps.

Pour composer les incontournables de la carte du Club 55 - panier de crudités, artichaut vinaigrette, feuilleté de Ramatuelle, salade de Pampelonne, traditionnelle ratatouille - la ferme des Bouis est le premier fournisseur ! Petits pois, mesclun, salades, choux-raves, noire de Crimée, cœur de bœuf, tomates ananas, fèves, pâtissons, coriandre, basilic, menthe… la grande majorité des légumes et herbes aromatiques proviennent de la production d’Amélie et Nicolas. Pour compléter les assiettes, sont proposés également des poissons grillés et du maïs certifié bio. Une partie du vin est également destiné au Club 55, le reste est vendu au domaine et chez quelques cavistes. L’huile d’olive, pressée sur place dans le moulin des Bouis, est elle aussi disponible à la vente.

“Ce printemps, face à la situation exceptionnelle, nous avons organisé un petit marché hebdomadaire dans le domaine. C’est une expérience fantastique, les gens rencontrent ceux qui les nourrissent !” s’enthousiasme Patrice de Colmont qui réfléchit déjà à une manière de systématiser ce rendez-vous entre consommateurs et producteurs…

Depuis, la vie a repris son cours, le Club 55 a rouvert ses portes pour la saison et la formule favorite de Bernard de Colmont reste plus que jamais d’actualité : “Ici la cuisine n’est pas faite par le patron et le client n’est pas le roi parce qu’il est un ami !”

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